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Low-tech et open source : des technologies citoyennes pour un futur durable

Face aux crises environnementales, à la domination des géants du numérique et à la complexité croissante des technologies, un autre chemin émerge. Dans les campagnes, les quartiers urbains, les tiers-lieux ou les ateliers partagés, des citoyen·nes, des bricoleur·ses, des ingénieur·es, des paysan·nes et des artistes inventent une manière plus humaine, sobre et collective de faire de la technologie. Ce mouvement se construit autour de deux piliers : la low-tech et l’open source. Deux approches complémentaires qui redonnent du sens à l’innovation. Deux leviers pour une technologie citoyenne, utile, durable, et surtout accessible à toutes et tous.

Une technologie plus simple, mais pas moins intelligente

Le terme low-tech, qu’on pourrait traduire par « technologie sobre », désigne des solutions techniques simples, robustes, souvent locales, qui répondent à des besoins réels. On parle ici de fours solaires, de toilettes sèches, de vélos cargos en bois, de dispositifs de récupération d’eau de pluie ou d’outils agricoles non motorisés. Ces objets ont un point commun : ils sont faciles à réparer, fabriqués avec des matériaux courants, et conçus pour durer. Leur efficacité ne réside pas dans la sophistication, mais dans leur adéquation avec leur usage. En cela, la low-tech est une réponse directe aux logiques d’obsolescence programmée et de surconsommation.

Le pouvoir de l’open source : partager pour mieux créer

En parallèle, la démarche open source vise à partager librement les plans, les codes, les tutoriels ou les schémas de fabrication. Elle est née dans le monde du logiciel libre, mais s’est étendue à tous les domaines : agriculture, énergie, santé, architecture, éducation.

Grâce à l’open source, un four solaire construit à Marseille peut être reproduit à Dakar, amélioré à Quito, adapté à Hanoï, puis partagé à nouveau. Cette circulation libre de la connaissance crée une intelligence collective. Elle permet aux communautés de se réapproprier la technique, sans dépendre de grandes entreprises. Quand low-tech et open source se rencontrent, cela donne naissance à un écosystème de technologies citoyennes, pensées par et pour les habitants.

L’innovation citoyenne, moteur de transformation

Loin des laboratoires high-tech ou des incubateurs de start-ups, l’innovation citoyenne émerge sur le terrain. Elle répond à des problèmes concrets : comment mieux chauffer son logement sans exploser sa facture ? Comment produire localement de l’énergie ou de la nourriture ? Comment réparer un outil plutôt que le jeter ? Des collectifs de voisins, des ateliers partagés, des tiers-lieux, des lycées professionnels ou des associations locales se lancent dans des projets où chacun apprend, fabrique et transmet. Cette dynamique, fondée sur l’entraide et l’apprentissage par le faire, redonne confiance et renforce les liens sociaux.

Des lieux pour expérimenter ensemble

On retrouve ces démarches dans de nombreux tiers-lieux : anciens garages transformés en ateliers coopératifs, fermes ouvertes au public, bibliothèques d’objets, ou encore Fabriques de territoire. Ces espaces accueillent des publics très variés : artisans, chômeurs, retraités, jeunes en service civique, familles…

Un exemple emblématique est celui du Low-Tech Lab, à Concarneau. Ce collectif expérimente, documente et partage des solutions comme des frigos du désert, des chauffe-eau solaires, ou des systèmes de ventilation naturelle. Leurs plans sont librement accessibles en ligne et repris dans des dizaines de pays. C’est une manière de créer des communs technologiques : chacun peut s’en emparer, les adapter à son territoire et les améliorer collectivement.

Une économie coopérative au service du bien commun

Derrière cette démarche, on retrouve souvent les principes de l’économie coopérative. Les structures qui portent ces projets fonctionnent en gouvernance partagée, réinvestissent les bénéfices dans le collectif, et favorisent la participation des usagers à la décision.

Certaines vont jusqu’à produire leurs propres outils numériques, énergétiques ou logistiques. Des initiatives comme Commown (matériel électronique éthique), Enercoop (énergie renouvelable citoyenne), ou encore Framasoft (outils numériques libres) illustrent bien cette convergence entre open source et économie coopérative. Ce modèle évite la centralisation des données, la dépendance aux multinationales et la logique de profit à court terme. Il mise au contraire sur la transparence, l’autonomie et la solidarité.

Une réponse concrète aux enjeux écologiques

Dans un contexte de crise climatique, la low-tech apparaît comme une alternative crédible. Elle consomme moins d’énergie, utilise des matériaux locaux ou recyclés, et encourage la sobriété. Elle est complémentaire des énergies renouvelables, car elle adapte la demande plutôt que de chercher à augmenter l’offre. Associée à l’open source, elle permet de diffuser ces solutions de manière massive, sans brevets ni coûts cachés. Elle devient ainsi un outil puissant de transition écologique, au service des territoires. Des villes comme Grenoble, Barcelone ou La Rochelle intègrent déjà ces logiques dans leurs politiques publiques. Elles soutiennent des tiers-lieux, financent des formations à la low-tech, ou accompagnent des coopératives d’énergie citoyenne.

Une technologie plus humaine est possible

La technologie n’est pas neutre : elle incarne des choix. Choisir la low-tech open source, c’est faire le pari de la résilience locale, de la coopération, de la transmission. C’est aussi refuser le tout-numérique imposé, les objets jetables, ou l’extraction massive de ressources. Ce mouvement, encore minoritaire, grandit chaque jour. Il s’appuie sur des communautés, des lieux d’expérimentation, des savoirs partagés. Il invente une technologie à taille humaine, qui fait sens, qui rassemble, qui soigne. Plutôt que de rêver d’une innovation déconnectée, il nous propose une innovation enracinée dans le réel, au plus près des gens, et au service du vivant.